Le Cyanotype est un peu à part dans les procédés photographiques. C’est en quelque sorte le vilain petit canard des procédés de l’époque. Il se différencie des autres principalement de par sa couleur. En effet, ce procédé produit un bleu de Prusse, une couleur bleutée très profonde, rendant les images produites très reconnaissables. Dans cet article, on va voir comment il a été inventé, et tenter de comprendre son fonctionnement.
Nous sommes aujourd’hui en 1842, la course aux recherches dans le monde de la photographie bas son plein depuis que le Daguerréotype a été dévoilé en 1839. En Angletterre, William Henry Fox Talbot vient de dévoiler ses recherches sur le Calotype en mettant au point un principe révolutionnaire : le négatif photographique. Mais concentrons nous maintenant sur John Frederick William Herschel, celui même qui a aidé Talbot à fixer images créées avec la méthodes du papier salé en 1839. Astronome, physicien et chimiste, lui aussi s’intéresse aux éléments photosensibles.
Là où Niépce et Daguerre, pour le Daguerréotype, puis Talbot, pour son Calotype, s’appuient sur les propriétés de l’argent pour créer des images, Herschel prend une direction tout autre. Il effectue ses recherches en utilisant du fer. Il comprend que ce dernier a plusieurs états qui ont chacun leurs spécificités. Et, plus intéressant encore, que l’un d’entre eux est sensible à la lumière.
Une recette simple mais un principe complexe
Pour le Cyanotype, Herschel se base sur une recette d’un pigment bleu, synthétisé pour la première fois un siècle et demi plus tôt. Ce pigment, appelé bleu de Prusse, est principalement utilisé en peinture. Et même s’il est souvent décrié par les peintres car impossible à dissoudre, il tente de réadapter sa recette pour permettre une utilisation photographique.
Herschel utilise, dans son procédé, du citrate d’ammonium ferrique et du ferricyanure de potassium. Lorsque ces deux éléments sont en bonne proportion, et qu’ils sont exposés à des UV, ils produisent du Bleu de Prusse. Il suffit d’une vingtaine de minutes en plein soleil pendant la belle saison pour obtenir un résultat parfaitement bleu.
Une fois exposé, les reste de citrate d’ammonium ferrique et de ferricyanure de potassium qui n’ont pas réagit sont solubles dans l’eau, contrairement au Bleu de Prusse. Il suffit alors de rincer le tout à l’eau claire pour retirer tous les éléments sensibles à la lumière, et ne conserver que le pigment bleu. Le pigment se révèle peu à peu pendant et après le rinçage grâce à l’oxygène présent dans l’air.
Une fois la réaction terminée, le Bleu de Prusse ne réagit plus avec l’air et ne peut donc pas s’oxyder. Il est uniquement sensible à des atmosphères au pH basique qui le rendent jaune. Il peut donc être conservé sur de très longues durées.
Le mal aimé des photographes
Le Cyanotype est un procédé négatif, il est uniquement capable de produire des images inversées, ou d’être utilisé comme un alternative au papier salé en inversant des négatifs créés grâce au Calotype.
Malheureusement, il n’a pas vraiment été très apprécié du public lorsqu’il a été dévoilé. En effet, sa teinte bleue a été bien mal perçue à une époque où le réalisme était le principal mouvement artistique. Très peu d’artistes utiliseront le Cyanotype durant cette période.
Si le Cyanotype ne sera utilisé que par quelques rares photographes, il trouvera quand même sa place dans d’autres domaines. Nombreux sont les botanistes qui s’en serviront pour créer des herbiers et ainsi répertorier les différentes plantes très facilement sans devoir les dessiner.
Mais il trouvera son véritable public dans un monde inattendu. Le Cyanotype est un procédé simple et facile à mettre en place. Il ne nécessite que deux produits, un peu de soleil, et de l’eau. De ce fait, il a énormément été utilisé dans un but bien éloigné de la photographie : la reproduction de documents.
Le Cyanotype a le grand avantage d’extrêmement bien se conserver dans le temps. Le bleu de Prusse est capable de subir les siècles sans perdre en éclat. Il est donc parfait pour conserver des archives.
Plans d’architecte, dessins de bâtiments, documents divers, très nombreux sont les documents ayant été reproduits avec cette méthode. C’est d’ailleurs grâce au Cyanotype si, aujourd’hui encore, en anglais, les plans techniques sont appelés des “blueprints”, littéralement les “plans bleus”, tiré de sa couleur caractéristique. Celui-ci continua d’exister jusqu’aux années 1940, où la Diazographie, un procédé plus rapide et moins coûteux, le remplaça petit à petit, le laissant peu à peu tomber dans l’oubli.
Le Cyanotype aujourd’hui
Entre curiosité et moyen artistique
Aujourd’hui le Cyanotype n’est plus vraiment utilisé du fait des progrès de l’imprimerie. Son intérêt pour reproduire facilement des documents a quasiment disparu. Seuls quelques artistes s’en servent encore pour son rendu unique et ses qualités de conservation.
Il est très facile à mettre en place. C’est un des rares procédés photographique qui est peu risqué et qui peut être fait à la maison sans réelles connaissances en chimie. Avis donc aux petits curieux, vous pouvez reproduire cette expérience vous même en vous procurant les produits nécessaires ou en achetant un kit Cyanotype déjà prêt. Je vous mets même la recette à la fin de l’article !
Une amélioration tardive
Il est bon de savoir qu’il existe deux autres recettes du Cyanotype mises au point par Mike Ware dans les années 1990. Il est parvenu à améliorer le procédé en permettant, notamment, de contrôler le contraste des images produites et d’en diviser le temps d’exposition par un facteur 8. Ces deux recettes, disponibles sur internet, sont malgré tout nettement plus complexes que la version produite par Herschel. Ne vous lancez pas dedans sans savoir ce que vous faites.
Fabriquer des cyanotypes soi-même
Créer des Cyanotypes soi-même est très facile. En utilisant la recette originale de Herschel, le procédé est même peu dangereux. On peut trouver les produits nécessaires très facilement, j’en propose même sur la boutique du blog !
Merci pour toutes ces infos sur le cyanotype que je pratique depuis peu et qui m’amuse beaucoup