Que tu utilises des appareils numériques ou argentiques, faire des photographies peut être vu comme un moyen de conserver un souvenir, ou de partager un moment. Mais une photo peut aussi devenir une image historique, en étant le témoignage d’une période marquante. Et c’est ce qu’il peut arriver en faisant de la photo de rue, ou en documentant des événements d’envergure comme les manifestations.
Si de nos jours faire des photographies en manifestation peut paraître particulièrement dangereux aux yeux de certains. Notamment du fait de la peur des violences, et des arrestations arbitraires qui deviennent de plus en plus courantes. On va voir aujourd’hui comment il est tout de même possible de profiter des manifestations pour faire de jolies photos, et ça en restant le plus en sécurité possible !
Voyager léger pour être mobile
Bien choisir son matériel
La première chose à faire est d’avoir un sac adapté, que ce soit en termes de taille ou en praticité. Les sacs en bandoulière sont très pratiques quand on a du petit matériel puisqu’il est tout le temps accessible sous la main et particulièrement discret.
Mais certains préfèrent quand même les sacs à dos puisqu’ils permettent d’emmener de quoi se protéger lors des manifestations lourdes, même si au milieu du monde, et dans le feu de l’action, on n’a que rarement le temps d’aller chercher quoi que ces sacs.
Dans tous les cas, inutile de trop s’encombrer, prendre le temps de changer de matériel c’est prendre le risque de rater une photo unique, donc mieux vaut bien le choisir en amont. En plus, si tu veux couvrir un maximum d’éléments dans la manifestation, il va falloir que tu te déplaces beaucoup, et ne pas avoir trop de poids sur le dos est un confort non-négligeable.
Du côté des objectifs, le choix doit donc être restreint, le mieux est d’avoir un objectif très polyvalent avec un zoom comme un 24-70mm. Si ce n’est pas possible, un objectif assez large type 28mm, complété par un 50mm feront très bien l’affaire. Dans tous les cas, inutile d’aller au-delà de 85mm, on n’a que très rarement assez de recul pour utiliser des objectifs aussi serrés.
Une manifestation avec un appareil tout manuel ?
Pour ceux qui veulent suivre ce genre d’événement avec des argentiques assez anciens, et notamment des appareils entièrement manuels, privilégie des appareils avec lesquels tu es à l’aise. Dans le cas contraire, mieux vaut utiliser un point & shoot, ou un appareil qui a des modes automatiques ou semi-automatiques. Autrement, tu risques de passer ton temps à chercher les bons paramètres, et à rater le moment idéal pour déclencher. Voire même purement et simplement rater tes photos.
Pour avoir fait de nombreuses manifestations avec des appareils entièrement manuel, c’est totalement faisable, mais il faut avoir acquis de très bons automatismes. Comme on n’a rarement plus de quelques secondes pour choisir ses paramètres, et faire sa photo, tout le secret réside dans l’anticipation. A force de pratique, mais aussi grâce à la règle du F/16, on peut facilement estimer les réglages à utiliser avant même d’être en place. Ce qui permet de n’avoir à penser qu’au cadre de la photo une fois en position.
Se protéger et éviter les fouilles
Connaître les manifestations à risque
Le point le plus important, et aussi celui qui fait peur à beaucoup de gens, c’est la sécurité. Et oui, dans le pays des droits de l’homme, les manifestations sont, pour beaucoup, des zones de non-droit où il faut survivre entre les gaz lacrymogènes, les LBD, et même les grenades lancées au milieu de la foule, ou encore parfois les cocktails Molotov.
Malgré tout, sache déjà que bon nombre de manifestations sont assez calmes, et même plutôt festives, comme les Marches des Fiertés, ou les Marches pour le Climat. Globalement, pour savoir si une manifestation va être violente ou non, il suffit de voir à quel point elle est entourée par les CRS. Plus elles sont encadrées, plus elles ont tendance à dégénérer rapidement.
Avoir de quoi se protéger
Calme ou non, au vu des quantités astronomiques de lacrymogène qui sont envoyés au moindre problème, mieux vaut avoir avec soi de quoi se protéger un minimum. L’idéal est d’avoir un foulard imbibé de jus de citron pour le nez et la bouche, et des lunettes de piscine, ainsi que du sérum physiologique pour les yeux. Tu verras sans doute quelques habitués avec des masques à gaz, mais ils sont quant à eux considérés comme du matériel de guerre en France, ce qui peut jouer en ta défaveur en cas d’arrestation.
Néanmoins, même les protections légales sont souvent confisquées par la police durant les fouilles qui sont effectuées autour des manifestations. Et ce alors même que c’est totalement illégal, et assimilable à du vol en bande organisée. Pour conserver de quoi se protéger malgré tout, rien de mieux que d’éviter les fouilles en arrivant sur place. En général, en faisant quelques détours, et avec un peu de patience, on finit par réussir à les éviter pour garder un minimum de protection.
S’habiller comme un novice
Pour les manifestations les plus tendues, s’il y a de ça quelques années avoir la mention “PRESSE” sur ses affaires était un indispensable, et permettait d’être à peu près en sécurité, les choses ont beaucoup évoluées. Les médias sont de plus en plus pris pour cible, que ce soit par la police ou par certains groupes violents. Pour ça, le mieux est encore d’éviter tout signe distinctif, plus tu auras l’air perdu plus tu seras tranquille.
Pour ça, ne t’habille pas complètement en noir pour éviter d’être pris pour un black bloc. Préfère une tenue colorée et/ou passe-partout. Avoir un sac qui n’a pas l’air d’un sac photo est d’ailleurs idéal pour ne pas être vu comme faisant partie de la presse au premier coup d’oeil. Personnellement je n’ai jamais été aussi tranquille qu’en allant suivre des manifestations avec un pull jaune moutarde visible à des kilomètres et un sac à dos banal transformé en sac photo grâce à quelques morceaux de mousse.
Repérer les zones dangereuses
La tête de cortège, une zone d’action
Une fois arrivé dans la manifestation, il faut rapidement repérer où se trouve le tout début du cortège. La “tête” comme on l’appelle le plus souvent, est dans toutes les grandes villes quasi toujours composée en bonne partie de policiers en civil et de black blocs. Si tu n’es pas habitué, ou pas protégé en conséquence, c’est une zone compliquée où il faut faire très attention. C’est là où la majorité des grenades sont tirées et là où il y a le plus de charges de CRS.
Quoi qu’il arrive, je sais que suivre la tête est tentant quand on débute, mais si tu n’as pas d’expérience, préfère y aller dans les moments calmes, comme au tout début du défilé. Dans tous les cas, sache qu’avec les Black Blocks, on évite de prendre en photo des personnes en particulier, ou des personnes à visage découvert. Le sujet de la photo doit être l’action qu’ils mènent et non qui ils sont. N’oublie pas que tes photos peuvent servir de preuve contre une personne même sans ton accord, d’où la méfiance accrue de certains.
Le cortège syndical, un lieu festif
Si tu préfères rester en sécurité, la suite du cortège est quant à elle beaucoup plus tranquille, et bien plus festive. Tu peux y passer une chouette après-midi, et faire des photos bien plus sereinement qu’à l’avant.
C’est là où se suivent les différents organismes qui sont présents, généralement les syndicats, ou les associations organisatrices. Ici l’ambiance est plutôt à la musique et à la fête, ça chante, ça crie, c’est là où on retrouve les pancartes les plus créatives, et même parfois des danseurs ou des gens costumés en fonction de l’événement.
Anticipation et observation
Prendre du recul et observer
Maintenant que tu sais comment aller en manifestation tranquillement, il est temps de passer à l’action et de sortir son appareil photo ! Et oui, on était là pour ça quand même à la base non ?
Le plus grand secret des photographes habitués à écumer les manifestations, c’est l’observation. L’idéal est de se mettre à l’écart quelques minutes, si possible en hauteur, pour prendre du recul. Ainsi tu peux repérer où se trouvent les éléments qui ont un réel intérêt. Ca peut être des pancartes, des banderoles, des groupes, des danseurs, le but est de repérer les endroits où il y a des sujets que tu veux photographier.
Anticiper l’action
Une fois que tu sais où sont les éléments intéressants, pendant que tu es en chemin, si as un appareil qui dispose de réglages, il faut anticiper autant que possible les paramètres dont tu as besoin. Savoir si tu vas faire des photos larges ou serrées, si tu as besoin d’une grande profondeur de champ ou non, quelle vitesse d’obturation tu vas utiliser. Tu dois penser un maximum tes photos en amont, pour qu’une fois sur place, tu n’aies plus qu’à finaliser tout ça, puisque tu n’auras que peu de temps pour faire ta photo.
Et oui, tu ne peux pas demander à la foule d’attendre 30 secondes le temps de choisir les bons réglages, tu dois la faire dans le mouvement, pendant que l’action se passe. Et pour ça il faut être prêt avant d’être en place. En ayant déjà pensé ta photo, tu n’as plus qu’à ajuster légèrement au besoin. Ca va te permettre de te concentrer uniquement sur ce qu’il se passe dans ton cadre, et de maximiser tes chances de réussir ta photo dans les quelques secondes que tu peux y accorder, avant d’être rattrapé par l’avancée du cortège.
Au final, suivre des manifestations en tant que photographe n’est pas si dangereux si on sait repérer les événements les plus tendus, et les endroits qui peuvent être sujets aux affrontements. En restant dans le coeur du cortège, tu vas pouvoir t’amuser sans trop de risque. Et pour avoir les meilleures photos, la clé reste de savoir repérer les éléments intéressants, que ce soit en étant mobile, pour voir le plus de choses possibles, ou se mettant à l’écart pour prendre le temps d’observer.
Enfin, voir beaucoup de choses c’est bien, mais pour avoir des photos réussies, le secret ne réside que dans tes capacités à anticiper les paramètres dont tu auras besoin, puisque tu n’auras que peu de temps pour shooter avant que tout le monde n’ait bougé, et que tu aies besoin de te replacer.